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Donald Trump vs les médias : le coup de grâce pour l’audiovisuel public américain ?

Donald Trump vs les médias : le coup de grâce pour l’audiovisuel public américain ?

C’est un nouveau coup porté à l’information de proximité aux Etats-Unis. Sous l’impulsion du président Donald Trump, le Congrès américain a approuvé ce vendredi 18 juillet la suppression de 1,1 milliard de dollars en financements, déjà alloués pour les deux prochaines années, à la Corporation for Public Broadcasting (CPB). Avec ces nouvelles coupes, des centaines de stations de télé et radio disséminées sur tout le territoire risquent de voir leurs moyens disparaître.

Créée en 1967 par le président Lyndon Johnson, l’organisation CPB finance une part minoritaire des budgets des radios et télévisions nationales NPR et PBS. Mais aussi, et de manière plus importante, quelque 1 500 radios et télés locales partenaires qui diffusent une partie de leurs contenus, sur tout le territoire national. La présidente de la CPB, Patricia Harrison, a réagi dans un communiqué, affirmant que le projet de loi aurait des « conséquences profondes, durables et négatives pour chaque Américain », rapporte NBC News.

Les stations locales, premières victimes des coupes

Ces coupes ne suscitent pas tant de surprise chez des stations locales, qui tirent la sonnette d’alarme depuis des mois sur leurs sites Internet. La radio-télé Prairie Public, dans le Dakota du Nord, estime qu’elle pourrait perdre 26 % de son budget entre la baisse combinée des aides de l’Etat local et de la CPB. Pour Vermont Public, ce sont quatre millions de dollars qui sont en jeu dans les deux prochaines années.

« Nous devrons prendre des décisions très difficiles sur les émissions que nous pourrons préserver et celles que nous devrons couper », résume de son côté Ryan Howlett, le président du bras financier de la Société de radiodiffusion publique du Dakota du Sud (SDPB), qui chapeaute une dizaine de radios et autant de télés locales. Dans cet Etat très rural et conservateur, « on va perdre un point de connexion qui nous lie les uns aux autres », ajoute-t-il.

Patricia Harrison a déclaré de son côté que « sans financement fédéral, de nombreuses stations de radio et de télévision publiques locales seront contraintes de fermer ». La présidente-directrice générale de NPR, Katherine Maher, a aussi estimé que les communautés rurales subiraient de plein fouet les conséquences négatives. Dans un communiqué, elle a qualifié ces coupes d’un « démantèlement injustifié d’institutions civiques locales appréciées, et un acte du Congrès qui méprise la volonté du public ».

Une offensive politique

Les dirigeants républicains, qui détiennent une large majorité au Congrès, ont présenté ces coupes comme une tentative de réduire les dépenses « woke et inutiles » du gouvernement, souligne NBC News. Donald Trump a lui aussi qualifié de « menteurs » et d' »ennemis du peuple » ces chaînes d’information, un discours très populaire auprès de sa base. Le président avait ordonné début mai la fin des aides à NPR et PBS, dressant une longue liste de griefs sur leur traitement « biaisé » de l’information. Dans la même veine, la porte-parole de la Maison-Blanche, Karoline Leavitt, les a qualifiés de « partisans de gauche financés par les contribuables, et cette administration ne pense pas qu’il s’agisse d’un bon usage de [leur] argent ». Le président du SDPB, Ryan Howlett, fait pourtant valoir le contraire, estimant que « nous ne subissons pas les mêmes critiques ici au niveau local […], nous faisons partie de la vie quotidienne des gens ».

Prônée par le « Projet 2025 » du cercle de réflexion conservateur Heritage Foundation, la suppression totale des fonds de la CPB est un tournant. D’autres tentatives par le passé s’étaient heurtées à l’opposition d’élus au Congrès, dont des républicains basés dans des régions rurales. Mais pour Dan Kennedy, professeur de journalisme à l’Université Northeastern de Boston, c’est dans ces zones éloignées des centres urbains que les suppressions de subventions risquent « d’avoir un effet dévastateur ».

« Ces stations sont parfois la dernière bouée de sauvetage […] quand il y a une tornade, c’est là que les gens l’apprennent », explique-t-il. « Près de trois Américains sur quatre déclarent compter sur leurs stations de radio publiques pour les alertes et les informations relatives à leur sécurité publique », a aussi suggéré la présidente de NPR. Au sein de l’Heritage Foundation, cet argument avait été rejeté par Mike Gonzalez, auteur du chapitre sur l’audiovisuel public dans le « Projet 2025 ». Pour lui, « les Etats et les exécutifs locaux peuvent concevoir des systèmes (d’alerte) à un coût bien moindre que l’ensemble de l’appareil de radiodiffusion publique, et sans les maux qui accompagnent le système actuel ».

La fin de ces financements est un nouveau coup dur pour l’information locale aux Etats-Unis. À cause de la diminution des lecteurs et des fusions de titres aux mains de grands groupes, plus d’un tiers des journaux du pays, soit 3 300, ont cessé d’imprimer depuis 2005, selon le dernier rapport de l’école Medill à l’université Northwestern. D’après une récente cartographie établie par la société d’analyse Muck Rack et la coalition « Rebâtir l’information locale » (« Rebuild Local News »), il n’existe plus que l’équivalent de 8,2 journalistes pour 100 000 habitants aux Etats-Unis, contre 40 au début des années 2000.



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Publish date : 2025-07-18 15:06:00

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