Trumpiste assumé et ami intime du vice-président américain J.D. Vance, Rod Dreher est l’une des figures intellectuelles les plus en vue de la droite conservatrice américaine. Depuis le début des années 2000, ce journaliste américain, installé depuis 2022 dans la Hongrie de Viktor Orban, n’a eu de cesse de disséquer et d’étriller la modernité libérale. D’une main, il fustige l’effondrement du catholicisme en Occident ; de l’autre, il pourfend la mainmise, selon lui, des élites de gauche sur toutes les institutions politiques, culturelles et médiatiques.
Dans son dernier livre, Live Not by Lies : A Manual for Christian Dissidents (2021) – best-seller adapté en documentaire cette année – il dénonce le « totalitarisme doux » de la gauche « woke », à travers les témoignages d’ex-dissidents des pays de l’Est ayant vécu sous le joug soviétique. Pourtant, la cible de sa dernière saillie n’est rien d’autre que son propre camp. Dans The Free Press, début juin, il a raconté comment son récent voyage à travers le pays l’a « profondément choqué », en le confrontant à l’avancée inquiétante d’un « totalitarisme de droite », qui touche de plein fouet les jeunes hommes blancs.
Ce récit saisissant a piqué notre curiosité. Serait-ce un mea-culpa, certes tardif, d’un trumpiste face aux dérives de l’Amérique Maga ? Interviewer Rod Dreher, c’est peut-être aussi le meilleur moyen de saisir ce qui fait le pouvoir d’attraction du trumpisme. Durant notre entretien, il prononcera huit fois le mot « élite » et quatorze fois « gauche ». Une statistique qui résume à elle seule le ressentiment d’une partie de l’Amérique envers « le système » et l’ »establishment ». Mais pour l’essayiste, Donald Trump, et encore J.D. Vance, seraient « les dernières chances pour l’Amérique avant qu’elle bascule dans un véritable autoritarisme »…
L’Express : Dans un article publié cet été, vous avez dit avoir été « profondément secoué » par votre dernier voyage à travers l’Amérique. Vous expliquez avoir été confronté à un « totalitarisme de droite »… À quoi cela ressemble-t-il ?
Rod Dreher : Je ne veux pas d’une version de droite de ce que la gauche a imposé aux Américains depuis la fin du XXe siècle. J’entends par là l’instauration d’un climat de peur, où les citoyens craignent pour leur emploi ou leur business s’ils expriment une idée qui heurte l’orthodoxie politique de la gauche, qui place les minorités raciales et sexuelles en position privilégiée, par exemple en leur accordant des avantages particuliers, tout en diabolisant la classe ouvrière blanche. Je ne veux pas voir la droite reproduire ce même schéma à l’encontre de la gauche.
Sur ce point, je reste ce qu’on appelle un « libéral classique », car je pense qu’une société saine est une société où il est possible, dans des limites assez larges, de dire ce que l’on pense et de fréquenter qui l’on veut sans craindre des sanctions juridiques ou des représailles sociales.
Vous pensez vraiment que le « wokisme », aux États-Unis, fait tant de ravages ?
Il est difficile, pour les Européens, de mesurer à quel point la situation a été difficile pour les Américains qui ne s’alignent pas sur la vision du monde prônée par le wokisme. Et ça ne date pas d’hier. En 1997 déjà, le directeur d’un journal qui cherchait à recruter un nouveau critique de cinéma m’a clairement dit que même si j’étais le meilleur candidat sur le plan rédactionnel, ils préféraient donner le poste à une femme ou à une personne de couleur qu’à un homme blanc. Être jugé uniquement sur son sexe et la couleur de sa peau est profondément humiliant. C’est injuste quand cela s’applique aux femmes et aux minorités, et ça l’est tout autant quand ça vise les blancs et les hommes.
Je m’inquiète de voir de plus en plus de jeunes de droite adopter la même dureté idéologique que la gauche.
Ce genre de pratiques, qu’en France vous appelez « discrimination positive », sont devenues banales aux États-Unis, et le plus souvent sans avoir besoin de recourir à l’intervention de l’État ! Simplement parce que la gauche contrôle la plupart des institutions, y compris les institutions économiques comme les entreprises privées. Si les Européens veulent comprendre d’où vient le succès de Donald Trump, voici une partie de la réponse.
Pourtant, à vous lire, ces comportements ne sont pas circonscrits à la gauche…
Tout à fait. Et je m’inquiète de voir de plus en plus de jeunes de droite adopter la même dureté idéologique que la gauche, dans une optique inversée. Ils reproduisent un travers propre à tous les totalitarismes, qui consiste à juger les gens selon leur appartenance à un groupe, et non comme des individus. Si j’apprenais avoir été recruté non pour mes compétences, mais parce que je suis un homme blanc, alors j’en aurais honte et je refuserais le poste. Je crois que c’est le genre de société que les « wokes de droite » veulent imposer, et je m’y oppose fermement.
L’autre point, et pas des moindres, c’est qu’ils sont antisémites. On retrouve là quelque chose que vous connaissez bien en Europe, avec la tradition de l’extrême droite européenne antisémite, mais que nous connaissions peu aux États-Unis. Aujourd’hui, une partie de la jeunesse américaine, à gauche comme à droite, se retrouve unie dans la haine des Juifs. Il y a là une convergence des extrêmes absolument diabolique.
Quelles sont les causes de ce totalitarisme de droite, selon vous ?
La philosophe Hannah Arendt, dans Les Origines du totalitarisme (1951), identifie plusieurs facteurs sociaux et culturels qui poussent les masses vers le totalitarisme, parmi lesquels : la solitude et l’isolement, la perte de confiance dans les hiérarchies et les traditions, le plaisir de la transgression, et l’idée que la « vérité » n’existe pas.
Les statistiques montrent que les Américains, en particulier les jeunes élevés dans la culture internet, sont en proie à une grave détresse psychologique. Dans le dernier quart de siècle, trop d’institutions ont trahi le peuple américain. Les partis politiques, les universités – devenues des usines à produire des élites woke -, les Églises, la science, les médias, l’armée… En fait, j’ai même du mal à trouver une institution qui soit digne de la confiance des citoyens.
Personnellement, j’ai perdu ma foi catholique – autrefois très forte – en enquêtant sur la corruption de l’Église catholique américaine à propos des abus sexuels sur mineurs. La majorité des évêques a couvert ces crimes pour préserver l’institution. La souffrance des victimes ne comptait pas, elles étaient sacrifiées sur l’autel de la sainteté. Je n’ai jamais été abusé, mais j’ai été victime de harcèlement scolaire, et les autorités n’ont rien fait. Cette blessure a été si profonde qu’un jour, j’ai cessé de croire à l’institution.
De la même manière, j’étais à New York le 11 septembre 2001, et j’ai vu de mes propres yeux la tour sud s’effondrer. Après ça, j’étais prêt à croire tout ce que le gouvernement disait pour justifier la guerre, et j’ai soutenu la guerre en Irak. Je pensais même que toute personne s’opposant à cette guerre était folle. Il s’est avéré que le fou, c’était moi, et je m’en suis rendu compte au moment où j’ai découvert que le gouvernement Bush avait menti pour obtenir le soutien populaire à cette guerre désastreuse.
En 2016, je n’ai pas soutenu Donald Trump. Mais si l’on veut comprendre pourquoi un candidat aussi iconoclaste que lui a été élu, c’est à cause de cette perte de confiance dans les institutions, religieuses comme séculières.
Cette « radicalisation » touche, selon vous, principalement les jeunes hommes blancs. Pourquoi ?
Pour le comprendre, il faut imaginer ce qu’a été l’existence d’un jeune homme blanc né en 2000. Ils ont été éduqués dans un monde de chaos social et de solitude, parce qu’internet et les réseaux sociaux ont fragmenté la société. Ils ont grandi dans un monde où les élites leur ont répété toute leur vie qu’ils sont le principal problème de la société. Ils ont donc vu leurs perspectives professionnelles se réduire, car les postes sont donnés selon des critères identitaires. Les emplois ouvriers disparaissent, mais on leur maintenait que c’était une bonne chose car « la bourse va bien ». Le parti républicain, censé défendre ces valeurs, n’a rien fait d’autre que de célébrer un modèle qui rend leur vie plus difficile, et le parti démocrate, soi-disant le parti des classes populaires, s’est laissé noyautée par la gauche woke.
Un jeune Anglais m’a récemment confié ne plus croire en la démocratie pour résoudre les problèmes de son pays. Ça m’a glacé le sang.
C’est dans cette Amérique que les jeunes ont grandi. Et aujourd’hui, nos élites s’étonnent de leur radicalisation… Je n’attends pas des élites de gauche qu’elles comprennent cela. Ça leur est impossible car elles refusent tous les faits qui rentrent en contradiction avec leur modèle. Je le vois aussi en Europe, où les élites préfèrent rester silencieuses et dénoncent ceux qui osent nommer les problèmes liés à l’immigration ou l’islam. Avec un tel déni des évidences, je ne serais pas étonné de voir la droite européenne connaître la même radicalisation que la droite américaine. En Grande-Bretagne par exemple, on en est déjà proche, avec une société au bord de la guerre civile. J’espère que ça n’arrivera pas, mais si tel est le cas, la responsabilité incomberait entièrement aux élites.
Un jeune Anglais m’a récemment confié ne plus croire en la démocratie pour résoudre les problèmes de son pays. « Seul le fascisme le peut, et j’y suis favorable ». Ça m’a glacé le sang. Quand j’en ai parlé à un journaliste conservateur anglais très connu, il m’a répondu qu’il entendait ce genre de discours tous les jours.
Diriez-vous que le « totalitarisme doux » de la gauche « woke » et celui de la droite sont, d’une certaine manière, les deux faces d’une même pièce — tous deux symptômes d’une crise d’identité plus large qui alimente la polarisation de la société américaine ?
Oui, absolument. En 1981, le philosophe Alasdair MacIntyre a publié un ouvrage majeur, After Virtue, où il explique que l’Occident se désagrège parce que les individus ne partagent plus de socle commun pour raisonner collectivement. En 1966, le sociologue Philip Rieff, dans The Triumph of the Therapeutic, qui est un autre grand livre, décrivait comment, au XXe siècle, après la « mort de Dieu » et l’effondrement de toute source transcendante de valeurs, les individus ont cessé de voir la vie comme l’application d’un code moral issu d’une source transcendante, pour au contraire y chercher la maximisation du plaisir et de la réussite : succès sexuel, succès matériel, etc. Le slogan soixante-huitard « il est interdit d’interdire » est ainsi devenu un principe fondamental de cette nouvelle société.
Pourtant, ces penchants autoritaires de la droite réactionnaire et populiste ne sont pas nouveaux. Qu’avez-vous observé de différent lors de votre dernier voyage ?
J’ai été frappé par le témoignage de professeurs, d’université comme de lycée, tous chrétiens et conservateurs, qui m’ont confié leur choc face au nombre croissant de jeunes hommes blancs, dans leurs classes, qui affichent ouvertement un antisémitisme radical. Ce sont des jeunes de milieu ordinaire, souvent issus de familles pratiquantes, mais qui adhèrent désormais aux idéologies haineuses de l’extrême droite, dont ils ont été endoctrinés sur les réseaux sociaux et internet.
La terrible vérité, c’est que le système libéral a laissé la porte grande ouverte à ces barbares en ligne, et les jeunes hommes blancs, qui ont constaté que presque personne au pouvoir ne se souciait d’eux ni de leurs intérêts, se sont tournés vers les extrêmes. Selon moi, l’antisémitisme est un signe infaillible d’une société en décadence, au bord de la rupture. Avant mon voyage, j’étais convaincu que ce problème se limitait aux élites universitaires de gauche. Je sais maintenant qu’il est bien plus répandu.
J’ai par exemple rencontré, pendant ma tournée aux États-Unis, un père catholique dont le fils de 23 ans a sombré dans cet antisémitisme délirant. Élevé dans l’Église, il échappe désormais à toute influence paternelle. Nous n’avons pas discuté plus en détail du cas de son fils, mais en tant que catholique, il était facile pour moi de comprendre que le jeune garçon n’avait pas reçu assez d’ « anticorps » par l’Église pour faire face à ce mal. Le catholicisme américain, dans la plupart des paroisses, se réduit à une bourgeoisie décadente en prière.
À l’inverse, la foi que j’ai rencontrée en France chez les jeunes pèlerins de Chartres cette année m’a redonné espoir : une foi solide, enracinée dans l’enseignement de l’Église. Depuis le concile Vatican II, pour les catholiques américains moyens, tout un patrimoine a été perdu. Converti dans la vingtaine, j’ai assisté à la messe chaque dimanche et jour de fête pendant treize ans, sans presque jamais entendre un prêtre enseigner la doctrine de manière substantielle. Le seul péché, peut-être même l’unique, était de manquer de gentillesse ou de jugement.
Les responsables ecclésiastiques ont émoussé le sens moral de deux générations de jeunes, tout en leur demandant de résister aux maux d’aujourd’hui. C’est une vraie apocalypse.
On pourrait vous rétorquer que le catholicisme est loin d’avoir été la tradition intellectuelle et morale la plus compatible avec la démocratie libérale…
En 1798, John Adams, l’un des pères fondateurs, écrivait : « Nous n’avons pas de gouvernement armé d’un pouvoir capable de contenir les passions humaines si elles ne sont pas bridées par la morale et la religion. L’avarice, l’ambition, la vengeance ou la galanterie rompraient les liens les plus solides de notre Constitution comme une baleine traverse un filet. Notre Constitution n’a été faite que pour un peuple moral et religieux. Elle est totalement inadaptée à un autre ».
Les démocrates libéraux refusent de voir à quel point la démocratie libérale repose sur des concepts hérités du christianisme.
Ce qu’il voulait dire, c’est que les libertés garanties par la Constitution américaine dépendaient de la capacité des Américains à se gouverner eux-mêmes. Par « peuple moral et religieux », il pensait évidemment aux chrétiens. Les fondateurs, presque tous protestants et souvent déistes, venaient de la tradition des Lumières. Adams lui-même était unitarien, tenant d’un christianisme libéral et hétérodoxe courant en Nouvelle-Angleterre à l’époque. Ils rejetaient la théocratie et prônaient la séparation de l’Église et de l’État, mais ils reconnaissaient que la liberté politique reposait sur un socle religieux partagé. Et à l’époque, Adams écrivait dans une société largement chrétienne. Ce n’est plus le cas aujourd’hui.
Comme le notait Philip Rieff, l’ordre social suppose une croyance commune en une source d’autorité transcendante. Or, cette base a totalement disparu, surtout chez les jeunes. Ce que les démocrates libéraux autoproclamés refusent de voir, c’est à quel point la démocratie libérale repose sur des concepts hérités du christianisme. Tom Holland, un historien britannique, a écrit un livre sur comment le christianisme a fait l’Occident, intitulé Dominion. Il explique que l’écriture du livre lui a permis de se rendre compte à quel point les valeurs libérales qu’il chérit tant viennent du christianisme, notamment de l’imago Dei.
Si l’on vous suit, il n’y aurait donc pas de libéralisme sans christianisme ?
C’est, je crois, la grande question de notre temps : peut-on maintenir la démocratie libérale sans christianisme ? Le cardinal Henri de Lubac, qui a rédigé une étude majeure sur les échecs des humanistes athées du XIXe siècle, comme Feuerbach, Marx, Nietezsche et Auguste Comte, en a conclu qu’un humanisme qui renie toute transcendance ne peut que conduire à la tyrannie.
C’est pour cette raison que je me définis, comme J.D. Vance, comme un « postlibéral », en ce sens où nous voyons dans le libéralisme classique, centré sur l’individualisme et l’institution du marché, la cause majeure de la fragmentation sociale des sociétés modernes. De plus, nous rejetons formellement l’idée selon laquelle le libéralisme serait neutre. Au contraire, nous affirmons qu’il est porteur d’une certaine conception de l’homme et d’une hiérarchie des valeurs, souvent invisibles aux yeux des libéraux eux-mêmes. Dans Why Liberalism Failed, le philosophe Patrick Deneen explique très bien l’échec du libéralisme par le fait qu’il a réussi à atteindre son objectif : libérer l’individu de toute obligation non choisie. Le problème, c’est qu’aucune société ne peut tenir sur ces bases. Au contraire, un libéralisme chrétien, fondé sur un humanisme chrétien, peut fonctionner. Mais si vous effacez toute idée de Dieu et de transcendance, alors vous n’aurez que le chaos et le nihilisme.
Vous avez voté pour Donald Trump en 2024. Étant donné votre connaissance des dynamiques totalitaires, pourquoi ne vous êtes-vous pas éloigné plus tôt de cette frange de la droite — par exemple, après le 6 janvier 2021 ?
Parce que Donald Trump n’a rien d’un totalitaire. J’irai même plus loin, Trump et Vance sont les dernières chances pour l’Amérique avant qu’elle bascule dans un véritable autoritarisme. Les Européens voient en eux une menace pour la liberté. Mais c’est tout l’inverse ! Aux États-Unis, ils sont le dernier espoir pour la liberté.
En 2016, je vivais dans mon État d’origine, la Louisiane, et je n’ai pas voté. Il m’était impossible de soutenir Hillary Clinton, et Donald Trump ne m’inspirait que du dégoût. Mais pendant son mandat, j’ai vu la haine de la gauche à l’égard de Trump perdre tout sens de la mesure, jusqu’à mobiliser tout son pouvoir institutionnel pour le détruire. En 2018, il a nommé Brett Kavanaugh à la Cour suprême. Lors des auditions de confirmation, la gauche a déchaîné un torrent d’accusations à son encontre, c’était abominable. Trump l’a soutenu et il a été confirmé. Comme pour J.D. Vance, cet épisode a été pour moi un moment d’épiphanie. Malgré ses défauts, Donald Trump était le seul à pouvoir résister au totalitarisme doux de la gauche. En 2020, j’ai voté pour lui sans le dire à personne.
Le 6 janvier a évidemment été un moment choquant. J’ai publiquement écrit que Trump méritait d’être destitué pour son attitude ce jour-là. Mais si l’événement était grave, il n’y avait en réalité aucune chance que cette foule abjecte puisse renverser le gouvernement, contrairement à la manière dont cela a été présenté par les médias progressistes. Je ne peux m’empêcher de souligner, par ailleurs, qu’à l’époque des émeutes qui ont ravagé des quartiers entiers après la mort de George Floyd, ces mêmes médias se sont montrés beaucoup plus compréhensifs, voire ont légitimé ces violences. Il est donc difficile, pour moi, d’être aussi bouleversé que la gauche américaine par le 6 janvier, car ils n’hésitent pas à fermer les yeux sur des violences bien pires, du moment qu’elles servent leur cause.
Je tolère Trump, mais J.D. Vance, je crois vraiment en lui.
Sous la présidence de Joe Biden, nous avons vu ce que signifiait réellement un pouvoir « woke ». Le racisme antiblanc, cautionné par l’État et le « big business », s’est envolé. L’idéologie de genre s’est imposée un peu partout. Et Biden a risqué une troisième guerre mondiale en engageant les États-Unis dans la guerre en Ukraine, qui est certes une tragédie, mais qui n’a rien à voir avec l’Amérique.
Donc en 2024, après avoir soutenu Ron DeSantis pour l’investiture républicaine, je n’ai eu d’autre choix que de soutenir Donald Trump. Et lorsqu’il a choisi mon ami J.D. Vance comme colistier, ce vote par défaut est devenu, pour la première fois de ma vie, un vote enthousiaste. Disons que je tolère Trump. Mais J.D. Vance, je crois vraiment en lui.
Vous êtes un ami proche de J.D. Vance, et vous avez joué un rôle important dans sa percée en 2016. En quoi se distinguerait-t-il des figures du mouvement conservateur qui cèdent à des penchants totalitaires ?
D’abord, et c’est important, J.D. Vance n’est ni sectaire, ni raciste. Sa femme, Usha, est une fille d’immigrés indiens, et ses enfants sont métis. Il ne s’en vante pas, ne l’exploite jamais politiquement. C’est simplement la réalité de sa vie.
Ensuite, J.D. n’est pas animé par la haine. Au début de la campagne de 2024, les démocrates ont tenté de le faire passer pour un personnage bizarre. Mais plus les électeurs l’ont croisé sur le terrain et l’ont entendu dans de longs entretiens, notamment sur des podcasts, plus ils ont découvert un homme affable, normal, du genre avec qui l’on partagerait volontiers une bière.
C’est aussi un catholique convaincu. En 2018, il m’a confié vouloir se convertir, après avoir lu abondamment Saint Augustin, qui l’a conduit vers la foi catholique. Bien que je sois un ancien catholique, je l’ai présenté à un prêtre dominicain à Washington, qui a commencé à lui enseigner la foi. J’ai fait partie des rares proches qui, en 2019, ont été invités à assister à sa réception dans l’église. Depuis, il prend sa foi très au sérieux, au point où, à l’occasion d’un échange public avec le pape François sur l’immigration et l’ « ordo amoris » augustinien, il était plus savant sur le plan théologique que le pape lui-même ! Je pense que son amour pour sa femme, son tempérament naturellement enjoué et son catholicisme intellectuellement exigeant constituent un rempart aux excès de l’extrême droite.
Enfin, J.D. Vance est en réalité un cas très rare dans la politique américaine. Comme le raconte son excellent livre Hillbilly Elegy, il a grandi dans une famille ouvrière minée par les maux sociaux qui ont frappé sa génération. Malgré cela, il a intégré Yale, la meilleure faculté de droit du pays, et a pu découvrir de l’intérieur la mentalité et le fonctionnement des élites dirigeantes américaines. Il utilise aujourd’hui ce savoir pour les mettre face à leurs préjugés et leur mauvaise gouvernance.
Si vous lisez le livre, vous verrez qu’il n’idéalise ni ne romantise la classe ouvrière blanche. Il reconnaît qu’elle est responsable de beaucoup de ses problèmes. Mais il montre également comment elle est la victime d’une élite qui se fiche de son sort, voire qui la considère comme étant l’ennemi numéro 1.
J.D. Vance est un Trump, mais en mieux. Il a les instincts politiques d’un Trump, disciplinés par l’intelligence, le caractère et la foi chrétienne. S’il devient président en 2028, je suis convaincu qu’il pourrait être l’un des plus grands et influents présidents américains de l’histoire.
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Author : Baptiste Gauthey
Publish date : 2025-08-15 15:00:00
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