C’est une victoire importante, mais qui n’est pas près de clore la croisade initiée par le président américain contre les universités du pays. Mercredi 3 septembre, une juge a annulé le gel des 2,6 milliards de dollars de subventions octroyés à Harvard par l’administration Trump, ainsi que la révocation de sa certification permettant aux étudiants étrangers de venir étudier aux Etats-Unis.
Donald Trump, qui a promis de faire appel de cette décision, accuse depuis son retour à la Maison-Blanche la doyenne des universités américaines de servir de vivier à l’idéologie « woke », un terme utilisé par les conservateurs pour qualifier, la plupart du temps de manière péjorative, certaines idées progressistes. Grand soutien d’Israël, le président reproche également à Harvard de ne pas avoir protégé suffisamment ses étudiants juifs ou israéliens lors de manifestations sur le campus pour un cessez-le-feu à Gaza.
« L’antisémitisme, comme d’autres formes de discrimination ou de préjugé, est intolérable. Et il est clair, de l’aveu même de Harvard, que l’université a été en proie à l’antisémitisme ces dernières années et aurait pu (et dû) mieux traiter ce problème », concède la juge. Mais en « réalité, il existe peu de liens entre les domaines de recherches affectés par les gels de subventions et l’antisémitisme », poursuit-elle dans son jugement, estimant que l’antisémitisme est « un écran de fumée pour mener une attaque ciblée et idéologiquement motivée contre les universités les plus prestigieuses du pays ».
Un avenir incertain
Malgré cette victoire, les perspectives de Harvard restent incertaines. L’université dépend en effet du soutien du gouvernement pour obtenir de futures bourses de recherche, accueillir des étudiants internationaux et conserver ses avantages fiscaux. « Peut-être que Harvard devrait perdre son exemption fiscale et être imposée comme une entité politique, si elle continue de défendre sa « folie » politique, idéologique, inspirée par/soutenant le terrorisme », avait écrit le président américain sur son réseau Truth Social, en avril. Le mois dernier, l’administration a également averti Harvard qu’elle pourrait saisir ses brevets, évalués à des centaines de millions de dollars, si une enquête révélait que l’université ne respectait pas la loi fédérale.
« Nous continuerons d’évaluer les implications de cet avis, de suivre l’évolution de la situation juridique et de rester attentifs à l’évolution du contexte dans lequel nous cherchons à remplir notre mission », a réagi de son côté le président de Harvard, Alan Garber, après le jugement. La situation pour l’université semble d’autant plus compliquée que la Cour suprême a donné à la Maison-Blanche des raisons d’être optimiste si l’affaire était portée devant elle, analyse Jodie Ferise, avocate au cabinet Church Hittle and Antrim, auprès du Wall Street Journal.
L’administration Trump a en effet soutenu que l’affaire Harvard ne constituait pas une question constitutionnelle, mais plutôt un litige contractuel qui devrait être jugé par une autre juridiction que la première instance. Dans une autre affaire concernant la suppression par l’administration des subventions des National Institutes of Health, les cinq juges les plus conservateurs de la Cour suprême ont indiqué le mois dernier qu’ils comprenaient la position du gouvernement selon laquelle un juge de première instance n’était pas compétent, et ne pouvait interférer avec la suppression des subventions par l’administration.
Des répercussions concrètes
Sous pression, Harvard a pourtant multiplié les concessions pour amadouer l’administration Trump, rappelle le New York Times : limogeage de responsables du Centre d’études sur le Moyen-Orient accusés d’antisémitisme, suspension d’un partenariat avec l’université palestinienne de Birzeit au profit d’institutions israéliennes, ou encore changement de nom de son Bureau de l’équité, de la diversité, de l’inclusion et de l’appartenance en simple Bureau de la vie communautaire et du campus. Officiellement, ces changements viseraient à rendre le campus « plus accueillant » et ouvert à la pluralité des opinions. Mais cette justification laisse sceptique de nombreux observateurs.
A l’heure actuelle, ces sanctions du président sont déjà tangibles sur le campus : les laboratoires se vident, et de nombreux projets de recherche sur certaines maladies neurodégénératives graves ou le cancer ont été amputés. Au total, « près de 1 800 membres du personnel et 1 500 étudiants diplômés et chercheurs postdoctoraux » dépendent partiellement ou totalement des fonds fédéraux, selon des documents judiciaires.
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Publish date : 2025-09-05 11:31:00
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