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Pourquoi la Chine est en train de battre les Etats-Unis : l’analyse choc de Dan Wang (Stanford)

Pourquoi la Chine est en train de battre les Etats-Unis : l’analyse choc de Dan Wang (Stanford)

Par quel miracle la Chine fabrique-t-elle aujourd’hui plus vite et mieux que le reste du monde ? C’est la question à laquelle répond l’excellent ouvrage de Dan Wang, paru fin août, Breakneck : China’s Quest to Engineer the Future (2025, non traduit). Réputé pour sa connaissance pointue du pays, ce chercheur associé au laboratoire Hoover History de l’université Stanford a sillonné pendant une décennie les provinces et métropoles de la deuxième plus grande économie du monde. Des travaux dont il tire une grille radicalement nouvelle pour expliquer ce qui distingue la Chine de son éternel rival américain.

L’Express : Le monde se méprend complètement selon vous sur ce qui distingue réellement la Chine des États-Unis. En quoi ?

Dan Wang : On se méprend en partie sur la Chine, pas complètement. Nous avons tendance à analyser ces deux puissances au moyen d’une grille de sciences politiques du XIXe siècle : socialiste, capitaliste, autocratique, démocratique, néolibéral… Ces grilles nous éclairent imparfaitement. La distinction qui me paraît désormais la plus pertinente entre ces deux pays est que la Chine est un « État ingénieur » tandis que les États-Unis sont un « Etat de juristes ». À différentes reprises dans le passé récent, l’intégralité de la haute direction chinoise était composée d’ingénieurs, formés dans un cadre très soviétique. Ils ont eu tendance à « construire » une solution à chaque problème, à voir dans la société un exercice d’ingénierie, comme si les gens n’étaient qu’un problème mathématique. Les États-Unis sont, selon moi, un Etat de juristes. Nombre de leurs présidents, membres du Congrès, Pères fondateurs étaient des avocats. L’inconvénient des juristes, c’est qu’ils bloquent tout, le bon comme le mauvais. Aux Etats-Unis, vous n’avez pas d’idées absurdes comme la politique chinoise de l’enfant unique, mais vous n’avez pas non plus d’infrastructures fonctionnelles.

Qu’est-ce qui explique que la Chine construise aujourd’hui plus vite et mieux que tout le monde ?

Il existe en Chine un appareil administratif composé de ministères, de gouvernements locaux ainsi que d’entreprises d’État, qui sont fortement incités à construire toujours plus. Par exemple, les secrétaires locaux du Parti sont promus s’ils construisent un nouvel aéroport. Il y a une logique bureaucratique de construction. Et le gouvernement estime que bâtir de grands ouvrages augmente le prestige de la Chine, que c’est une démonstration de sérieux et que cela rendra le peuple fier. Enfin, le pays construit très efficacement parce qu’il y a peu de juristes se mettant en travers de l’État. Des politologues ont découvert que les lignes de train en Chine sont légèrement plus droites qu’aux États-Unis, parce que les ingénieurs ont toute latitude pour faire les choix les plus rationnels. Ils peuvent dire aux habitants de déménager pour améliorer le réseau ferroviaire. Le système ne se moque pas complètement des gens ou de l’environnement. Il y a souvent un minimum de dialogue. Mais, en fin de compte, la ligne de train sera construite coûte que coûte.

Quel impact ces mentalités opposées, la voie de l’ingénieur et celle du juriste, ont sur les citoyens chinois et américains ? Vous disiez que la quatrième province la plus pauvre de Chine dispose aujourd’hui de meilleures infrastructures que certaines régions américaines bien plus riches.

En effet, à l’été 2021, au plus fort de la pandémie de Covid, j’ai décidé de traverser à vélo Guizhou, dans le Sud-Ouest. Cette province très montagneuse et éloignée des côtes est la quatrième province la plus pauvre de Chine. Elle est infiniment moins riche que New York ou la Californie. Mais elle possède onze aéroports, quarante-cinq des cent ponts les plus hauts du monde, de très bonnes autoroutes. Un rêve pour un cycliste. C’était un voyage merveilleux. Puis, l’étrangeté de la situation m’a frappé : comment expliquer qu’une province chinoise pauvre possède de meilleures infrastructures que New York ou la Californie ? Précisément car cet « Etat ingénieur chinois considère les grandes infrastructures comme des projets économiques mais aussi politiques.

En quoi les profils et les méthodes de travail de l’appareil étatique chinois diffèrent de ceux d’autres pays ?

À partir des années 1980, lorsque Deng Xiaoping a pris la tête de la Chine, il a regardé les années Mao et jugé que ces années étaient une folie. Mao était un grand poète, un grand chef de guerre, mais pas un bon administrateur. Deng s’est demandé : quelle est la voie opposée ? Réponse : la voie des ingénieurs. Dans les années 1980 et 1990, Deng Xiaoping a donc commencé à promouvoir ces profils dans les plus hautes sphères du pouvoir. En 2002, les neuf membres du Comité permanent du Politburo – l’organe de direction suprême du Parti communiste – avaient tous un diplôme d’ingénieur. Une formation très soviétique. Le secrétaire général, Hu Jintao, était formé comme ingénieur hydraulique. Son adjoint, le Premier ministre Wen Jiabao, était géologue. Ce sont des profils qui considèrent l’environnement physique comme quelque chose à conquérir. Pour eux, la société est malléable. A certains égards, ils voient le peuple comme un système hydraulique, qu’on pourrait rediriger au moyen de vannes. Le gouvernement chinois lui-même, avec ce système léniniste greffé sur l’ancien système impérial, est conçu de façon très rationnelle. Les lignes de communication sont claires. La bureaucratie peut réagir rapidement aux demandes politiques. C’est l’aspect mécanique de l’État ingénieur.

Quel est le revers de ce modèle ?

Si vous êtes une minorité ethno-religieuse au Tibet ou au Xinjiang, vous avez le sentiment d’être intensivement « ingéniérisé » par le Parti communiste. Et même si vous faites partie de la majorité, vous êtes confronté à ce qu’on appelle le système du Hukou, sorte de « système d’enregistrement des ménages », qui rend très difficile pour de nombreux travailleurs migrants de déménager dans les grandes villes, d’inscrire leurs enfants à l’école et d’accéder aux soins de santé, parce que le Parti communiste a bloqué beaucoup de gens dans leurs lieux d’origine. Rappelons-nous également la politique de l’enfant unique ou du Zéro covid. J’ai étudié la première et j’ai vécu la deuxième. Avec la politique Zéro covid, on avait réellement l’impression que le gouvernement déplaçait les gens comme des pièces d’échecs sur un plateau.

Y a-t-il aussi un coût économique à cette stratégie de la Chine ? On le sait, les subventions publiques ne permettent pas toujours de faire émerger des industries robustes. Et si Pékin met en avant les entreprises ayant très bien réussi, il y a sans doute également eu beaucoup d’argent public gaspillé pour soutenir des entreprises peu performantes.

Oui, il y a énormément de gaspillage, de fraudes, d’arnaques dans le système chinois. La Chine construit parfois des ponts qui ne mènent… nulle part. Mais parfois, ce « pont vers nulle part » finit par faire émerger deux banlieues. Souvent, le gouvernement du Guizhou n’arrive pas à rembourser les obligations émises, parfois même pas à payer les intérêts pour construire ces ponts. Il y a aussi un immense gâchis environnemental : verser autant de béton est très carboné, et une grande partie de ces infrastructures n’est pas vraiment nécessaire. Beaucoup de gens sont déplacés lors de la construction de ces grands projets. Mais cela a été in fine positif pour la Chine d’investir ou de subventionner tous ces projets.

Oui, le pays a beaucoup gaspillé dans des secteurs comme le solaire ou les véhicules électriques. La concurrence est féroce et beaucoup de sociétés ne gagnent en réalité que gagnent très peu. C’est mauvais pour les entreprises et les investisseurs – car les marges sont souvent négatives – mais c’est un succès pour l’État. Car il domine désormais le secteur mondial du solaire et est en train de désindustrialiser l’Allemagne grâce à sa puissance dans les véhicules électriques. C’est aussi un succès pour les consommateurs, qui bénéficient de coûts du solaire en chute libre dans le monde. Environ 94 % de la baisse du prix du solaire depuis l’an 2000 est due à la concurrence chinoise. Pour moi, c’est cela, le « socialisme chinois » : l’État et le consommateur gagnent, l’investisseur et les entreprises perdent.

Les Etats-Unis et l’Europe gagneraient-ils à s’inspirer de certains aspects de la méthode chinoise ?

Nous ne devons pas les copier. Nous n’y arriverions pas de toute façon. Il s’agit de régimes politiques par trop différents. Mais il est toujours bon d’étudier ce que d’autres pays font et de s’en inspirer lorsque cela est pertinent. Les États-Unis feraient, ainsi, bien de s’inspirer des Français en matière d’infrastructures. Paris a un excellent métro, un excellent réseau de trains à grande vitesse. Les Américains devraient aussi s’inspirer du Japon, qui maîtrise remarquablement la planification. Il est insensé que la construction d’une ligne de métro coûte neuf fois plus cher à New York qu’à Madrid ou Paris, alors que ces villes sont très densément peuplées et que les chantiers sont de vraies fouilles archéologiques. Il y a toujours des leçons à tirer des autres. L’Occident devrait apprendre de la Chine. Et j’espère que les Chinois apprendront aussi de l’Occident.

La politique de Donald Trump, notamment ses droits de douane, peuvent-ils favoriser la réindustrialisation américaine ?

Ce n’est pas la bonne approche. Il suffit de regarder les statistiques économiques : l’industrie manufacturière est en récession aux États-Unis depuis six mois consécutifs. Les États-Unis ont perdu 40 000 emplois industriels depuis le « Liberation Day » en avril. Il n’est pas logique de moins financer la recherche lorsqu’on veut être une grande puissance scientifique. Les Américains devraient s’inspirer davantage de la Chine, en investissant, comme elle, avec beaucoup de patience, en développant des infrastructures essentielles – notamment dans la production électrique – et en travaillant sur la formation technique de la main-d’œuvre. Il faut qu’ils investissent plus dans les agences scientifiques et apprennent à mieux tolérer le risque. Accepter l’idée que de nombreux projets échoueront. Il suffit de quelques entreprises qui réussissent pour atteindre un leadership mondial, les Chinois le savent bien.

Vous pensez que l’Amérique est plus réticente au risque que la Chine ?

Le système politique américain, oui. Les États-Unis avaient tenté d’investir un peu dans le solaire. Solyndra, une entreprise très médiatisée a échoué. C’était au début des années 2010. Et encore aujourd’hui, beaucoup de législateurs, surtout du Parti républicain, continuent de parler de cet échec unique. Comme si l’échec d’une entreprise condamnait tout un secteur à ne plus jamais recevoir d’investissements. C’est une mauvaise approche. Les Chinois, eux, gèrent trois fraudes par jour avant le petit-déjeuner. Et ils continuent à investir massivement. En ce sens, le système du Parti communiste est beaucoup plus patient, plus tolérant au risque, et plus audacieux que le régime politique américain.

Selon vous, pour être capable de construire des choses complexes, il faut savoir construire des choses simples. Cela va à l’encontre de ce que les Etats-Unis et beaucoup d’Occidentaux ont fait des dernières décennies. C’était une erreur selon vous ?

Les industries technologiques fonctionnent comme une échelle. Il faut monter les barreaux un à un pour atteindre le sommet. Et si vous retirez les barreaux du bas, votre main-d’œuvre manufacturière n’a plus la capacité de créer un écosystème solide, avec de grandes entreprises et de petites, des entreprises sophistiquées et d’autres plus basiques. Beaucoup de compétences disparaissent. C’est une erreur de croire qu’on peut conserver seulement le haut de gamme. Car le haut de gamme a besoin de soutiens venant du bas de l’échelle. Les gens circulent, les usines évoluent, elles doivent être rééquipées. Et ce qu’ont fait les Chinois, c’est gravir cette échelle, barreau par barreau. Aujourd’hui, ils sont suffisamment puissants pour concurrencer aussi sur le haut de gamme.

Le concept du « piège de Thucydide » suggère que l’affrontement entre une puissance dominante et une puissance ascendante est inévitable. Les tensions entre les Etats-Unis et la Chine sont vives, on le sait. Certains ne renoncent cependant pas à plaider en faveur d’une coopération entre ces deux puissances, arguant que cela profiterait grandement à l’humanité, surtout vu le défi climatique auquel nous faisons face. Qu’en pensez-vous ?

Il est vivement souhaitable que les États-Unis et la Chine ne jugent pas le conflit inévitable et maintiennent un certain degré de paix. Quant à savoir s’ils peuvent coopérer de manière étroite, c’est une question plus complexe. Si Xi Jinping et Donald Trump décidaient demain de devenir les meilleurs amis du monde, ce serait probablement terrible pour le reste du monde. Pour le Groenland. Pour le Canada – d’où je viens. Probablement aussi pour l’Union européenne. Il faut écarter les deux scénarios : celui où Xi Jinping et Donald Trump sont amis, qui serait inquiétant, et celui où Xi et Trump décident de s’affronter, qui serait apocalyptique. Il doit y avoir un équilibre entre les deux. Et il faut que l’Europe devienne beaucoup plus puissante. Ce n’est, hélas, pas le chemin qu’elle prend. Après avoir cédé face aux menaces tarifaires de Trump, l’UE apparaît affaiblie et soumise.

Selon vous, Xi Jinping affaiblit la puissance des institutions politiques en Chine, ce qui joue en faveur des Américains. Qu’entendez-vous par là ?

Les États-Unis comme la Chine sont tous deux engagés dans une course à l’érosion de leurs propres capacités de gouvernance. En Chine, le président a dévalorisé l’accent mis par le Parti communiste sur la croissance – qui avait été un moteur majeur de son succès – et il l’a remplacé par la « pensée Xi Jinping », qui est un mélange flou. Le fait qu’il se soit maintenu à la tête du pays pendant trois mandats consécutifs – et potentiellement aussi longtemps qu’il lui plaira – place le reste de l’appareil d’État dans un équilibre instable. Donald Trump, lui, réduit la crédibilité de la démocratie américaine. Il se rapproche de la Chine en termes de culte de la personnalité. Et il s’attaque à de nombreux fondements politiques du succès américain. Les deux puissances érodent leurs propres capacités, et d’autres pays finiront par en profiter un peu.

Quel impact ont les droits de douane de Donald Trump sur l’export chinois, et comment cela redessinera-t-il le commerce mondial ? Vers qui la Chine va-t-elle se retourner ?

Les droits de douane ont eu un certain effet sur la Chine, mais le pays continue d’exporter beaucoup. Les tariffs de Trump ont en réalité davantage pénalisé des pays comme l’Inde ou la Malaisie. La Chine cherche à trouver d’autres alliés. Elle vient d’accueillir Vladimir Poutine et Kim Jong-un à Pékin. Elle essaie de tisser de nouveaux liens avec l’Inde et l’Asie du Sud-Est, tandis que Trump renonce à une grande partie de la diplomatie mondiale. Reste à voir jusqu’où cela ira. Les Européens ont beaucoup de griefs contre la Chine, en matière économique comme en matière de sécurité. Donc, même si Pékin veut peut-être paraître plus conciliant en ce moment, il y a encore beaucoup de raisons d’être sceptique sur sa capacité à rallier de nombreux alliés.

La Chine risque-t-elle de tomber dans le « piège du revenu intermédiaire » ?

Oui, ce risque existe même si le périmètre de ce « piège » est débattu. L’économie chinoise a ralenti assez fortement cette année. Les chiffres officiels disent qu’elle va croître d’environ 5 %. La Chine fait face à des vents contraires – économiques, politiques et démographiques. Ses champions technologiques deviennent néanmoins de plus en plus puissants. Elle est clairement en train de gagner dans les véhicules électriques, dans toutes sortes de produits industriels, dans la production de technologies propres. Globalement, ses entreprises deviennent de plus en plus sophistiquées. Et c’est une grande menace pour les industries d’Asie de l’Est, d’Europe et des Etats-Unis. Je m’attends à ce que les succès chinois accentuent encore la désindustrialisation. L’Europe le voit déjà très clairement dans les données allemandes. La Chine pourrait couler beaucoup d’industries européennes avant que son économie ne connaisse un véritable ralentissement. Et si l’économie européenne se détériore, il est peu probable que sa politique s’améliore.

Les Etats-Unis et l’Europe sous-estiment-ils la hausse du nombre et de la qualité des écoles d’ingénieurs en Chine ?

La science en Chine est nettement plus forte qu’auparavant. Mais elle reste faible à bien des égards. Ils n’ont pour l’heure pas remporté beaucoup de prix, ni créé de grands projets scientifiques dont le reste du monde aurait absolument besoin. Mais la Chine se renforce indéniablement dans ce domaine. On le voit surtout avec les articles les plus cités. Parmi le 1 % des publications scientifiques les plus citées, la part provenant de Chine a beaucoup augmenté. Les ingénieurs qu’ils forment paraissent extrêmement compétents. Beaucoup de grands chercheurs sont capables de créer des entreprises prospères comme DeepSeek. Même si la Chine n’a pour l’heure pas remporté beaucoup de Nobel, elle se débrouille déjà très bien. Tôt ou tard, le reste du monde s’en apercevra.

Quel est l’état d’esprit des citoyens chinois ? Sont-ils plutôt fiers du succès économique ou critiques du contrôle ?

Fiers et critiques à la fois. Cela sera toujours le cas. Quelle est la vision générale des Français sur l’économie aujourd’hui ? C’est assez mitigé également. Beaucoup sentent que leur vie s’améliore, parce qu’ils voient leurs villes reliées par des lignes de métro, des trains à grande vitesse, de grands ponts. Ils ont plus de parcs. En même temps, il y a beaucoup de mécontentement, aussi bien chez certaines élites que les autres. Beaucoup de millionnaires ont fui la Chine de crainte que Xi Jinping ne confisque leurs richesses par une forme d’action réglementaire. Beaucoup de créatifs ont quitté la Chine, car ils savent que la liberté d’expression artistique est de plus en plus restreinte. Ce phénomène ne s’observe pas uniquement au sein de certaines élites. Ces deux dernières années, un nombre significatif de Chinois ont décidé de se rendre en Amérique centrale, puis de traverser à pied la frontière sud-ouest des États-Unis, car ils ne pensent pas pouvoir réussir en Chine. Aussi redoutable que soit le régime de Donald Trump, on ne voit pas des vagues d’Américains, riches ou pauvres, partir s’installer au Canada, en France, en Chine ou ailleurs.



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Author : Anne Cagan

Publish date : 2025-09-22 09:11:00

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