Demandez à vos enfants quelle boisson leur ferait le plus plaisir. Il y a fort à parier qu’ils vous répondent « Holyyyyy » avec des étoiles dans les yeux, et une petite voix à vous faire craquer. Pour achever de vous convaincre, les plus malins diront ensuite que ces rafraîchissements en poudre, qui inondent en ce moment le marché, sont beaucoup « moins chers » que les autres sodas et que, de toute façon, ils ne sont « pas mauvais » pour la santé.
Un argumentaire, qui évidemment, ne vient pas de leurs benchmarks des différentes offres du marché, mais de ces très nombreuses réclames qui circulent sur Internet. Depuis plusieurs mois, Holy écume les réseaux sociaux, à grands coups de partenariats. Seb, Amixem, Dr Nozman, Carlito ou encore Sylvain Lyve : les créateurs de contenus les plus influents du pays ont accepté de collaborer avec cette toute jeune entreprise, fondée en 2020 par un trio d’entrepreneurs allemands.
Avec de telles campagnes publicitaires, la marque assume une cible très jeune, l’audience la plus importante – et la plus captive – des créateurs de contenu. « Contrairement aux sodas classiques, Holy vise la nouvelle génération, connectée, parfois adepte des jeux en ligne, plutôt masculine, mais quand même concernée par sa santé. Il y a une forte demande en ce moment pour des produits fun, cool, mais qui permettent d’avoir bonne conscience », analyse Philippe Moreau Chevrolet, professeur de marketing à Science Po.
Pas de taurine, pas de sucre mais…
Intégrées aux vidéos les plus populaires de YouTube, les odes à la gloire de ces boissons en poudre sont désormais si nombreuses que beaucoup d’internautes les connaissent par cœur. Une stratégie coûteuse, mais imparable : la marque aux emballages tapageurs, semblables à ceux utilisés pour les vapoteuses, aurait écoulé plus de 10 millions de boîtes depuis sa création. Elle ambitionne désormais de devenir le « leader européen » des rafraîchissements.
Dans leurs réclames qui, il faut bien le dire, restent en tête, les influenceurs présentent la boisson comme une alternative plus vertueuse aux sodas. « Pas de taurine, pas de sucre, les arômes et les colorants sont naturels, et meilleurs à boire, grâce aux antioxydants et multiples vitamines », répétait ainsi Seb, 5,74 millions d’abonnés sur YouTube, dans une vidéo publiée en novembre 2024. A chaque fois, un code promo figure en description, suivi de quelques mots qui présentent la boisson comme « saine ».
« Saine », vraiment ? Intrigué par ce que risquent de boire les jeunes à l’issue de cette campagne, L’Express a passé au crible les affirmations relayées par les partenaires de la marque, détaillé ses ingrédients, et soumis ses étiquettes à des professionnels. A la lumière de cette enquête, et contrairement à ce que peuvent faire croire les communicants, la boisson semble bien moins vertueuse qu’elle n’y paraît, elle qui pourtant se présente comme « éthique » sur son site Internet.
… des additifs à gogo
Première déconvenue : le prix, présenté comme plus avantageux, grâce au conditionnement du produit. Une boîte de 280 grammes de cette poudre vendue 39,99 euros, reviendrait, selon l’entreprise, à 80 centimes la portion de 500 millilitres. Un prix défiant toute concurrence ? L’argument ne résiste pas à un passage en magasin : les sodas classiques se vendent en réalité moins cher, autour de 75 centimes pour une quantité équivalente.
Mais c’est surtout sur le terrain de la santé que le bât blesse. Présentée comme plus naturelle, car libérée des additifs – « sans taurine », « sans arômes artificiels », « sans sucre » – Holy déborde en réalité de composants extraits, transformés, voire synthétisés par les laboratoires de l’agroalimentaire. « Dioxyde de silicium », « phosphate tricalcique », « sucralose », « citrate de zinc », « bleu brillant FCF », « chlorhydrate de pyridoxine », « New caf »… La liste des ingrédients est tellement technique qu’il est impossible de l’interpréter sans l’avis d’un expert.
Le spécialiste sollicité par L’Express, Stéphane Walrand, n’a pas semblé enthousiasmé par cette recette. « Franchement, ces composants, ce n’est pas vraiment ce que je décrirais comme sain, ou plus sain que le reste » résume ce professeur de nutrition au CHU de Clermont-Ferrand. En cause : ces nombreux édulcorants, anti-agglomérants ou colorants incorporés dans la boisson, qui, s’ils peuvent parfois différer des sodas classiques, peuvent aussi comporter des risques pour la santé.
Des risques non négligeables
Le spécialiste se méfie de ce type de produit, loin d’être naturel : « On dit d’un aliment qu’il n’est pas ultratransformé s’il ne dépasse pas cinq ingrédients dans sa composition. Or, ici, on est face à une étiquette à plus de vingt entrées. Les autorités recommandent plutôt d’éviter ce type de produit », résume l’expert, également nutritionniste pour le club de rugby de Clermont-Ferrand, un des plus réputés de France.
Pour remédier à l’absence de sucre, Holy intègre par exemple du sucralose, une substance associée à un risque plus élevé de cancer, de maladies cardiovasculaires et de diabète, selon plusieurs études menées par la scientifique française Mathilde Touvier. Sans démontrer un rapport de cause à effet, ces travaux, basés sur la cohorte Nutrinet, invitent à la prudence, et semblent, au moins, contredire l’idée que le sucralose serait une alternative miracle, sans effets indésirables.
Autre composant problématique : le dioxyde de silicium, une molécule qui permet d’éviter que la poudre ne forme des grumeaux. Selon certaines études, une exposition chronique semble toutefois pouvoir perturber le fonctionnement des cellules rénales et s’avérer toxique. Des chercheurs ont notamment observé qu’une exposition à cet additif pourrait modifier la tolérance aux protéines alimentaires et favoriser le développement des maladies cœliaques.
Une boisson hydratante qui n’hydrate pas
Ces alertes ne suffisent pas à interdire ces produits. Mais elles ont tout de même contraint l’autorité européenne de sécurité des aliments, l’EFSA, à réévaluer la dangerosité de cet additif en novembre 2024. L’agence reconnaît désormais des « incertitudes » sur les effets nocifs potentiels des nanoparticules de dioxyde de silicium. Dans l’attente de nouvelles données, l’autorité recommande des seuils plus stricts quant à la pureté de cet ingrédient. Dans certains cas, celui-ci peut véhiculer du plomb, du mercure, de l’aluminium ou de l’arsenic dans l’organisme.
Même constat pour le phosphate de calcium. En 2019, l’EFSA alertait sur le risque d’une trop grande absorption de cette famille de molécule. En petite quantité, les phosphates ne posent pas de problème, mais cumulés, ils peuvent saturer les reins, et venir s’accumuler dans la paroi des vaisseaux sanguins. Quant au bleu brillant, ce colorant qui n’a rien de naturel ne fait guère mieux : au-delà de rendre les urines bleues, le produit est associé entre autres à un moins bon microbiote dans les études in vitro.
Stéphane Walrand assure qu’il ne conseillerait pas ce type de formulation à ses joueurs. Pas même la gamme hydratante, à destination des professionnels de l’e-sport et des sportifs. « Avec autant d’éléments dans sa composition, le mélange est très concentré. Ce qui n’est pas un avantage pour l’hydratation, car cela va diminuer l’absorption par l’organisme. Qui plus est, à part le potassium, je ne vois pas spécialement les ingrédients requis pour correspondre à une boisson hydratante. Il y a beaucoup de vitamines, ce qui n’est pas vraiment privilégié pour ce type de fonction », regrette l’expert.
Un récent changement de ton
Même analyse pour la « récupération » vantée par Djilsi, un YouTubeur en pleine ascension. Là encore, difficile de prétendre à de tels effets en l’absence de glucides et de protéines, assure le spécialiste. Des écueils qui n’ont pas empêché la marque de se faire une place dans le sport de très haut niveau : en plus de sponsoriser des clubs de petite envergure, comme Pau FC, l’entreprise s’est associée l’année dernière avec l’Olympique de Marseille, un mastodonte de la Ligue 1. Son logo est désormais porté en étendard par les joueurs locaux.
Cette dissonance entre promesses marketing et réalité scientifique avait été dénoncée sur YouTube en avril dernier par un vidéaste nommé « TPZ ». Le point de départ de son enquête ressemble à un gag. Dans son effervescence, la marque avait démarché cet influenceur spécialisé dans l’investigation, sans se rendre compte de sa démarche très critique. Une fois le produit en main, TPZ refuse le partenariat, jugeant la boisson désagréable, et trop « chimique ». Dans une vidéo à plus d’un million de vues, il s’emporte contre les contradictions de la marque, et alerte sur le risque d’en consommer en trop grande quantité.
« Le problème, c’est qu’ils survendent. Ils en font trop, alors qu’il y a évidemment des qualités à ce produit. Réduire un soda en poudre est une idée potentiellement plus écologique par exemple, mais on ne peut pas en consommer beaucoup et tous les jours sans risques, or c’est l’impression que l’on a en regardant toutes ces vidéos sponsorisées. On se dit qu’on peut être décomplexé quand on en prend », détaille le vidéaste. « Notre enquête n’est pas parfaite, mais on a l’impression qu’elle a été utile », souligne le vidéaste, lunette de soleil et bob vissé sur la tête, pour rester anonyme.
Contactée, Holy n’a pas souhaité répondre à nos questions. Quelque temps après la vidéo de TPZ, le 11 avril 2025, la marque s’est fendue d’un post sur X reconnaissant que sa « chaîne de communication avec les créateurs et les agences » devait « être renforcée ». Depuis, les partenaires d’Holy ne parlent plus d’une boisson « saine », mais seulement « plus saine que les sodas ». Ils recommandent de boire de l’eau, et de se limiter à quelques portions par jour par jour. La consommation de la gamme énergisante, très concentrée en caféine – 180 milligrammes, soit plus de quatre expressos – est désormais « conseillée » seulement à partir de 16 ans.
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Author : Antoine Beau
Publish date : 2025-10-05 15:00:00
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