Le gouvernement entend modifier la réforme des retraites pour mettre en pause, jusqu’à la présidentielle, le recul progressif à 64 ans de l’âge de départ. Voici ce que l’on sait de la suspension de la réforme Borne.
En quoi consiste la suspension de la réforme des retraites annoncée par le gouvernement ?
D’après les explications fournies mardi soir par Bercy, le projet du gouvernement est de décaler dans le temps l’application de la réforme Borne. Il suspendrait jusqu’à janvier 2028 la marche en avant vers les 64 ans, tout comme le relèvement du nombre de trimestres à cotiser pour partir à taux plein.
Ainsi, la génération née en 1964 partirait à 62 ans et 9 mois (comme la précédente) au lieu des 63 ans prévus par la réforme, soit à partir d’octobre 2026 au lieu de début 2027. Si aucune autre réforme n’est votée d’ici là, avant ou après la présidentielle, l’application de la réforme Borne reprendrait ensuite à partir de la génération 1965, avec un trimestre de décalage : celle-ci partirait à 63 ans à partir de janvier 2028, au lieu de 63 et 3 mois.
Cinq générations de retraités, soit 3,5 millions de personnes, bénéficieraient ainsi à terme de ce report de la réforme, en gagnant un trimestre par rapport à la loi de 2023. La première génération à devoir attendre 64 ans pour partir serait celle des assurés nés en 1969, qui partiraient à partir de 2033 (et non les assurés nés en 1968, partant à partir de 2032, comme prévu par la réforme Borne).
La suspension modifie-t-elle la durée de cotisation ?
La réforme de 2023 accélérait l’application de la réforme Touraine de 2014, qui a prévu de passer de 42 à 43 années de cotisations nécessaires pour partir à taux plein. Aujourd’hui, la génération 1963 doit avoir cotisé 170 trimestres (42,5 ans). Les textes actuels prévoient que la génération 1964 doit cotiser 171 trimestres. Avec une « suspension » de la réforme Borne telle qu’imaginée par l’exécutif, ces assurés partiraient finalement avec 170 trimestres.
L’application de la réforme reprendrait en 2028 pour la génération 1965, qui devrait cotiser 171 trimestres, au lieu de 172. Le texte serait pleinement appliqué pour la génération 1966, qui devrait cumuler 172 trimestres, soit 43 ans.
Quel est le coût de la suspension de la réforme ?
Cette suspension suscite des inquiétudes chez de nombreux partisans d’Emmanuel Macron, qui redoutent un impact négatif sur l’économie nationale. Pourtant, certains experts, comme le prix Nobel d’économie Philippe Aghion, estiment que reporter l’application de la réforme ne représenterait pas un coût insurmontable. Dans son discours de politique générale, Sébastien Lecornu a présenté une estimation budgétaire : 400 millions d’euros dès 2026, et 1,8 milliard en 2027. Le Premier ministre a insisté sur le fait que cette suspension devra être financée, notamment par des mesures d’économies, pour éviter d’alourdir le déficit public et préserver la crédibilité de la France auprès des investisseurs internationaux.
Selon les projections de Bercy, le coût global pour les finances publiques pourrait atteindre trois milliards d’euros en 2027, un chiffre supérieur à l’estimation officielle de 1,8 milliard annoncée par Sébastien Lecornu. L’écart s’explique en partie par les effets indirects : un report de départ à la retraite signifie moins de travailleurs actifs, ce qui réduit la croissance économique et, par conséquent, les recettes fiscales. Pour couvrir ces dépenses, le gouvernement prévoit donc de compenser la suspension par des économies supplémentaires par rapport à celles déjà prévues dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, afin de ne pas augmenter le déficit public.
Comment le gouvernement compte-t-il faire adopter la suspension ?
La mise en œuvre de la suspension des retraites au Parlement pourrait théoriquement rassembler une majorité confortable : si tous les partis de gauche s’allient au Rassemblement national, le texte atteindrait 318 voix, suffisant pour passer.
Toutefois, si la suspension est intégrée via un amendement au PLFSS, ce n’est pas seulement cette mesure qui doit être adoptée, mais l’ensemble du budget. Mercredi, le Premier ministre Sébastien Lecornu a d’ailleurs indiqué que le gouvernement soumettrait « en novembre » au Parlement un amendement au projet de loi de budget de la Sécu pour 2026, pour mettre en oeuvre sa proposition. Le Premier ministre apportait ainsi une clarification, alors que la veille, le ministre du Travail avait semé le doute en évoquant une loi, sans plus de détails.
Quand la suspension pourrait-elle entrer en vigueur ?
Si la suspension de la réforme est intégrée par un amendement au PLFSS, elle pourrait entrer en vigueur dès que le budget sera adopté par le Parlement et promulgué par le président fin décembre.
Concrètement, cela implique qu’aucune augmentation de l’âge de départ à la retraite ne sera appliquée avant janvier 2028, et que la durée d’assurance restera fixée à 170 trimestres pendant cette période, a précisé le Premier ministre. En revanche, opter pour une loi spécifique nécessiterait de rédiger un nouveau texte et de relancer le débat parlementaire, une procédure difficile à conclure avant la fin de l’année.
Quelles sont les critiques syndicales face à la suspension de la réforme ?
Des critiques émergent notamment chez la CGT, qui voudrait tout de suite enterrer les 64 ans : « La suspension annoncée est en réalité un décalage de son application de quelques mois seulement. Ce simple décalage reviendrait à confirmer les 64 ans au mépris de la mobilisation de millions de travailleurs », a écrit le syndicat dans un communiqué mardi.
Sur France Inter, la secrétaire générale de la CGT Sophie Binet a demandé « aux parlementaires de bloquer clairement la réforme des retraites » à 62 ans et neuf mois et 170 trimestres, pour toutes les générations futures.
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Publish date : 2025-10-15 18:12:00
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