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Parcoursup : les conseils de la science pour surmonter le stress du contrôle continu

Parcoursup : les conseils de la science pour surmonter le stress du contrôle continu

Accepteriez-vous de passer le bac pendant deux ans ? Si vous avez plus de 20 ans, la réponse sera probablement : « non ». C’est pourtant ce que vivent les élèves de première et de terminale depuis la réforme mise en place par l’ex-ministre de l’Education Jean-Michel Blanquer en 2021.  » Le contrôle continu devait limiter le stress du bac mais finalement, les élèves ont l’impression de passer le bac tous les jours », lançait le responsable d’un lycée parisien lors de la réunion de rentrée de septembre dernier. Pour lui, aucun doute : les élèves, de première notamment, sont bien plus stressés qu’avant. « Là où ils avaient le temps de s’approprier leurs matières, le contrôle continu a rajouté des enjeux dont on se demande s’ils étaient vraiment nécessaires », soupire-t-il.

La réforme du bac Blanquer a en effet renforcé le poids des évaluations organisées tout au long de l’année. Elles représentent désormais 40 % de la note finale du bac. Surtout, ces notes, qui apparaissent sur les bulletins de première et de terminale, sont scrutées par les formations du supérieur. D’où ce sentiment, pour les lycéens, que le moindre faux pas peut leur être fatal. « Les années lycée s’apparentent aujourd’hui à une course de haies : s’ils veulent arriver en tête à la fin de l’épreuve, qui s’appelle Parcoursup, les élèves se doivent de réussir toutes les évaluations successives pendant deux ans. Résultat, certains sont en hyperpression permanente dans toutes les matières, convaincus que le moindre dixième de point joue », dénonce Grégoire Ensel, vice-président de la FCPE, pour qui le système actuel génère une « anxiété démesurée ». Dans une note de la Depp, datée de juillet 2024, 59 % des lycéens se disaient « plutôt » ou « très stressés » par rapport aux examens et évaluations en 2023, contre 56 % en 2018. Les filles sont davantage concernées que les garçons : 40 % d’entre elles se disent « très stressées » contre 12 % de leurs homologues masculins.

Mais la situation s’est-elle vraiment aggravée du fait de l’instauration du contrôle continu ? Devoir faire ses preuves sur deux ans est-il plus difficile à vivre que de passer la plupart des épreuves en fin de terminale, comme c’était le cas autrefois ? « Difficile de l’affirmer puisque la réforme est concomitante avec la période du Covid qui, on le sait, a accru le mal-être chez les jeunes. Les causes sont multifactorielles et nous cherchons à y répondre au mieux en interne », avance le ministère de l’Education nationale avec prudence. Preuve que le mode de notation est pourtant bien un réel sujet de préoccupation : le 27 août 2025, lors de la conférence de rentrée, l’ex-ministre Elisabeth Borne a reconnu que le système actuel affectait le quotidien des lycéens. « S’agissant du contrôle continu, je souhaite qu’il soit repensé pour diminuer la pression sur les élèves et l’anxiété, tout en reflétant plus fidèlement leur niveau », avait-elle indiqué, annonçant une instruction demandant aux proviseurs d’élaborer un projet de notation « disant clairement quelles évaluations seront prises en compte pour le contrôle continu du baccalauréat donc aussi pour Parcoursup ». La rue de Grenelle a également imposé la déconnexion des logiciels de vie scolaire de 20 heures à 8 heures afin que les élèves ne soient tentés de consulter leurs notes pendant la nuit. Les professeurs ont aussi pour consigne de rendre les devoirs en classe avant de rentrer les résultats sur Pronote. « Le fait qu’il y ait un accompagnement pédagogique, une communication sur ce qui a été réussi ou pas est l’un des leviers de la progression de l’élève », précise le ministère.

Le problème ? Le lien entre contrôle continu et Parcoursup

Aménagements et rétropédalages sont donc aujourd’hui de mise. Pourtant, au départ, l’idée de passer d’un contrôle terminal à la prise en compte des notes obtenues tout au long de la première et de la terminale semblait une bonne idée. « Ceux qui ont, comme moi, passé leur bac il y a quarante ans avaient l’impression de jouer leur vie sur une épreuve dans chaque matière. Notre idée, avec Jean-Michel Blanquer, était de diluer un peu le stress sur toute l’année pour mieux le vivre », rappelle Pierre Mathiot, l’architecte de la réforme du bac et du lycée, pour qui « aucune enquête ne prouve que les lycéens sont plus angoissés qu’autrefois ».

Sur le papier, la réforme paraissait une bonne idée, appuyée d’ailleurs par des études scientifiques. « Des travaux menés par l’université Harvard aux Etats-unis ont montré qu’avec un contrôle terminal, 60 % des connaissances ingurgitées pour l’examen ont disparu au bout de trois mois », rappelle le neuroscientifique Grégoire Borst, directeur du laboratoire de Psychologie du développement et de l’Education de l’enfant (LaPsyDé). Pour ce spécialiste, le contrôle continu, quand il est bien mené, peut être un véritable atout pour aider les adolescents à intégrer les connaissances dans la durée : « Les différentes évaluations sont autant d’occasions de revenir sur des notions vues plus tôt dans l’année, ce qui pousse les élèves à les réviser à nouveau et ainsi à mieux les mémoriser ».

Sauf qu’en pratique, le lien fait entre le contrôle continu et le processus de sélection pour les études supérieures a mis à mal ces belles idées. « Le véritable problème, c’est qu’aujourd’hui, à partir de la première, les élèves rentrent dans un tunnel. Ils savent que s’ils n’ont pas de très bonnes notes tout au long de l’année de première et des deux premiers trimestres de terminale, leur orientation dans le supérieur sera plus compliquée. C’est cela qui est très stressant, pas le contrôle continu en lui-même », poursuit Grégoire Borst.

De fait, la situation actuelle apparaît plus comme la conséquence involontaire d’une réforme inachevée, que d’une réelle volonté des pouvoirs publics d’aboutir à un tel résultat. A l’origine, en 2021, il était notamment prévu d’organiser des épreuves de spécialités en mars, afin que les établissements d’enseignement supérieur aient accès aux notes à temps pour effectuer leur sélection. « Le fait de les avoir repoussées en juin a tout faussé et a donné davantage d’importance au contrôle continu qu’il n’aurait dû en avoir », regrette Pierre Mathiot. Le rôle croissant du contrôle continu renforce aussi un sentiment d’injustice vécu par bon nombre de familles face à certains professeurs qui peuvent avoir la main plus lourde que d’autres. « Un élève qui s’investit beaucoup mais qui hérite d’un 5/20 parce que la moyenne générale est à 6 peut légitimement se sentir lésé par rapport à ses camarades de la classe d’à côté », explique Bruno Bobkiewicz, le président du SNPDEN, syndicat des chefs d’établissement.

La triche en hausse

Une analyse partagée par Pierre Mathiot pour qui le vrai problème n’est pas le contrôle continu mais « l’absence de règles du jeu » : « Les professeurs sont très attachés à leur liberté académique. Mais ils gagneraient à se réunir et à harmoniser leurs méthodes de progression, le nombre d’évaluations, les coefficients et les barèmes pour garantir à leurs élèves une forme d’équité ».

Le sociologue Pierre Merle confirme : « Tout le monde est inquiet. Aussi bien les jeunes et leurs parents, qui n’hésitent pas à contester les notes, que les enseignants qui voient régulièrement leur autorité remise en question ». Une situation qui s’avère, en plus, contre-productive pour les élèves. « On le sait, le stress est particulièrement mauvais pour la santé mentale des adolescents. Il va aussi affecter leurs processus d’apprentissage, en perturbant leur développement cérébral et leur sommeil. Or celui-ci est très important pour la consolidation des informations dans la mémoire », détaille Grégoire Borst. Au moment des examens, un niveau d’anxiété élevé va aussi peser sur la capacité à restituer les informations apprises – le fameux « pourtant je le savais ! ». La pression est telle que les lycéens seraient même de plus en plus nombreux à tricher. « Il est compliqué de confisquer les téléphones portables dans une classe de 30 jeunes. L’arrivée de l’intelligence artificielle a encore amplifié le phénomène », renchérit Pierre Merle.

Pourtant, plutôt que de risquer de se faire prendre et de mettre définitivement à mal son dossier Parcoursup, des conseils simples existent pour aider les ados à gérer leur stress. D’abord, leur expliquer en quoi il consiste, pour comprendre comment le désamorcer. « Je suis face à une menace potentielle – avoir trop peu révisé, et penser que je vais rater mon contrôle. Cette menace va entraîner des réponses en cascade : accélération du rythme cardiaque, puis hausse de la fréquence respiratoire, qui envoient un signal d’alerte au cerveau. Celui-ci va en retour accélérer encore les battements du cœur », détaille Grégoire Borst. Pour casser cette « boucle de renforcement », la meilleure méthode consiste à prendre de grandes inspirations : en diminuant la fréquence respiratoire, elles vont ralentir le rythme cardiaque et permettre de se calmer.

Valoriser toutes les réussites

Un soutien des enseignants et des parents s’avère aussi très important, insiste de son côté le Pr Antoine Pelissolo, chef de service de psychiatrie de l’hôpital Henri-Mondor, et spécialiste des troubles anxieux. « Un stress chronique est surtout délétère quand il est peu prévisible. Si les enfants sont correctement accompagnés et encouragés, la plupart vont réussir à s’adapter à la pression, ce qui constitue un apprentissage utile », explique-t-il. Il faut surtout aider les jeunes à relativiser, là où par définition les adolescents ont tendance à tout dramatiser. Même s’ils ont une mauvaise note à un moment, tout n’est pas perdu. Et même s’ils ne décrochent pas leur formation préférée, des réorientations sont toujours possibles…

« Ce n’est pas parce qu’on n’est pas le premier de la classe que l’on ne va pas avoir de belles réussites professionnelles. Quelles que soient les modalités d’examen, l’essentiel est de croire en soi, de se dire que l’on a un potentiel. Et pour cela il faut valoriser les élèves tout au long de leur parcours scolaire », assure le Pr Richard Delorme, chef du service de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent de l’hôpital Robert-Debré (AP-HP). Vous n’êtes peut-être pas le premier de la classe, mais vous êtes le plus sympa, le plus fort en sport, vous avez des idées originales… « On trouve toujours une bonne raison de valoriser un enfant, et pourtant cela se fait trop peu en France, contrairement aux pays anglo-saxons ou nordiques », constate le médecin. La pratique d’un sport peut aider aussi, notamment dans le cadre de compétitions : « Cela permet de mettre l’accent sur des réussites autres que scolaires, mais aussi d’apprendre à relativiser l’échec », ajoute le Pr Richard Delorme.

Pour Eric Charbonnier, spécialiste de l’éducation à l’OCDE, la France gagnerait à prendre exemple sur d’autres pays européens « en se focalisant moins sur les notes et en sortant notre système éducatif de cet aspect très disciplinaire ». A cela s’ajoute le fait que les élèves ne sont pas ou très peu informés du choix possible des métiers qu’ils pourront exercer plus tard. A la différence du Royaume-Uni ou des pays nordiques qui ont une approche beaucoup plus professionnalisante et plus large que la réussite dans telle ou telle discipline : les élèves comprennent mieux dans quel but ils travaillent. « La Slovénie ou la Finlande valorisent bien d’autres compétences comme la créativité, le travail en équipe ou la confiance en soi. Bref, tout ce qui aide à devenir un citoyen éclairé », poursuit Eric Charbonnier. Les passerelles et la formation continue, qui permettent de se réorienter, sont aussi beaucoup plus nombreuses ailleurs.

« Ne nous trompons pas de débat : un contrôle continu reste préférable à un contrôle terminal. Mais il faudrait le décorréler davantage de Parcoursup : on pourrait par exemple imaginer des solutions pour que les formations du supérieur organisent leurs propres modalités de sélection, plutôt que de se reposer exclusivement sur les notes, dont on sait par ailleurs qu’elles sont un mauvais reflet des compétences réelles des élèves », lance Grégoire Borst. Tandis que, pour Pierre Merle, le seul moyen d’obtenir une évaluation équitable serait « d’organiser des épreuves anonymes et qui se déroulent de la même façon pour tous les élèves ».

Dans les faits, ce retour en arrière semble déjà à l’ordre du jour. Depuis la réforme, les formations du supérieur accordent une importance démesurée aux épreuves anticipées du bac de français (passées en fin de première) car elles représentaient jusque-là le seul examen national passé avant l’envoi des dossiers d’inscription dans Parcoursup. Pour rééquilibrer avec les matières scientifiques, le ministère de l’Education nationale a décidé d’ajouter à partir de cette année un examen de mathématiques en fin de première également. Au risque finalement de se retrouver peu à peu à avancer le baccalauréat d’une année ? Tout ça pour ça…



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Author : Stéphanie Benz, Amandine Hirou

Publish date : 2025-11-16 16:00:00

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