Les chaînes infos ne désemplissent pas d’experts qui expliquent en substance que la crise politique que nous traversons génère une incertitude délétère pour la croissance et la soutenabilité des finances publiques. Cette assertion semble de bon sens. Elle inverse en fait la cause et la conséquence. En effet, ce sont nos difficultés financières actuelles qui provoquent une crise politique, et non le contraire.
Baisser les dépenses sociales
À bien observer le désolant spectacle donné par nos députés – les sénateurs, eux, savent mieux se tenir -, on comprend bien que la démagogie et l’horizon de la prochaine élection (municipale, législative, présidentielle…) ont remplacé toute considération sur l’intérêt de la France. Et, si cela ne se pardonne pas, cela s’explique. Car l’intérêt de notre pays commande que gouvernement et parlementaires s’accordent pour réduire nos déficits publics, ce qui suppose de baisser les dépenses sociales de l’Etat et demander aux Français de travailler davantage. Évidemment, personne n’a envie de le faire car, réduire les déficits publics, c’est forcément prendre de l’argent à quelqu’un ou lui demander un effort, d’où l’on peut déduire que la démarche est forcément coûteuse politiquement.
À l’inverse, augmenter les déficits publics, c’est faire croire que l’Etat, cette grande fiction comme l’écrivait déjà au XIXe siècle l’économiste libéral Frédéric Bastiat, peut distribuer de l’argent ou diminuer les impôts sans effort. De fait, pas grand monde ne s’est opposé, en leur temps, à la suppression de la taxe d’habitation ou au « quoi qu’il en coûte ». Et quand Bruno Le Maire explique aujourd’hui que parlementaires de toutes obédiences et entreprises faisaient le siège de son bureau de ministre pour demander davantage de mesures coûteuses pour les finances publiques, j’atteste qu’il dit la vérité. Si le budget 2026 prévoyait d’augmenter les déficits publics et non de les réduire, je vous garantis que les parlementaires trouveraient un accord sans difficulté et qu’on ne parlerait point de crise politique. Nous irions dans le mur dans un agréable consensus.
L’argent public, ce fluide magique
Partout ailleurs, en Europe, les mêmes débats existent. La différence tient au rapport entre la politique et l’économie réelle. En Allemagne, en Suède ou au Portugal, les dirigeants ont expliqué aux citoyens que la rigueur budgétaire n’était pas une punition, mais la condition du progrès et de l’indépendance. En France, on continue à penser que l’argent public est un fluide magique, qu’il suffit de distribuer pour acheter la paix sociale. Ce refus de la responsabilité est notre véritable exception française. La réalité, c’est que notre classe politique ne veut pas payer le coût électoral de la réduction des déficits et que l’on fait passer cette lâcheté pour une crise de régime. Le toujours excellent Dominique Reynié rappelait dernièrement sur LCI qu’il n’existe aucun type d’institutions politiques qui permette de faire passer sans frottement des mesures impopulaires. Désigner des boucs émissaires est l’autre moyen de faire diversion. Milliardaires, immigrés ou retraités constituent des cibles faciles qui permettent d’éviter de dire la vérité, à savoir que chaque Français a sa part de responsabilité dans la situation présente.
Les Français aiment l’État mais détestent la contrainte, admirent l’effort mais le veulent consenti par les autres. Cette contradiction permanente épuise le pays et alimente la défiance. Elle explique pourquoi toute tentative de réforme sérieuse finit dans la rue. Dans ce type de période, la pédagogie efficace consisterait à faire comprendre que l’intérêt de la France commande des mesures difficiles et inhabituelles à court terme. Or cette explication n’a jamais été donnée, à l’exception notable récente de François Bayrou, sacrifié pour cette raison. Cette pédagogie, certains courageux la mènent pourtant. C’est le cas de Nicolas Dufourcq, le directeur général de la Bpifrance, la banque publique d’investissement, dont on ne saurait trop recommander le dernier opus La dette sociale de la France 1974-2024 (Odile Jacob). Comme le suggère son titre, ce livre rappelle que nos problèmes financiers émanent d’une demande de protection sociale que personne n’a jamais eu le courage de calmer. Plus l’intelligence est rare, plus elle est précieuse.
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Author : Nicolas Bouzou
Publish date : 2025-10-23 05:30:00
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